Lula courait, elle courait, manquant de s'écrouler sur le sol. Elle montait la falais essouflée, il fallait qu'elle voit. Arrivée au sommet, elle vit au loin le bateau, elle regarda l'horizon, paniquée à l'idée d'être seule ici, à l'idée qu'elle reverra jamais le monde, à l'idée qu'elle n'aura jamais sa vengeance. Elle souffle était entrecoupé. Elle le voyait s'en aller, disparaître. Ce n'était pas possible ! A la main elle avait la robe qu'elle avait piqué à une femme sur le bateau, une robe pour remplacer sa tenue de détenu. Sauf que celle à qui appartenait la robe l'avait vu et l'avait poursuivi, sur le coup, elle avait trouvé que c'était une bonne idée de se cacher dans la forêt. Maintenant elle le regrettait. Pourquoi avoir volé cette robe ? Pourquoi ? Elle la balança sur le sol, en colère. Puis elle s'écroula à genou. Non elle ne versa pas de larmes, ce n'est pas son genre. Elle passa sa main dans ses cheveux en reposant son regard sur l'océan a présent vide. Soudain elle entendit du bruit. Elle regarda froidement derrière elle, personne. Mais il fallait qu'elle se débarasse de cette tenue, cela lui rappelait des mauvais souvenirs. Elle se déshabilla rapidement et enfila la robe assez courte, mais peu importe. Elle fit une boule de ses vieux vêtements et la lança du haut de la falaise. Elle espérait qu'ils s'écrasent sur les rochers et disparaissent à jamais.

Mais c'est sur Maxime qu'il atterrirent. Le brun était assis au bord de l'eau, contemplant l'océan capricieux en quête peut-être d'apercevoir la bête qui lui avait presque broyé le mollet alors qu'il se "baignait" avec Artémis. Oui, ils ne se baignaient pas vraiment puisqu'ils avaient fini à l'eau car leur barque avait coulé. Ses yeux suivaient les vagues et l'écume qui les chevauchait semblait le narguer. Lui ne pouvait pas voguer sur l'océan comme il le souhaitait - par exemple pour partir d'ici. Et c'est alors que quelque chose lui tomba dessus. Ses instincts défensifs, bien développés depuis son arrivée ici qui commençait à dater, le firent se lever en un bond et presque tomber à l'eau. Il avait déjà sorti le couteau qu'il portait à sa ceinture, ses yeux rivés sur ce qui n'étaient que de simples fringues. Il les ramassa. Ce n'était pas de simples fringues mais des habits de détenus. Il les reconnaissait directement parce que lui-même les avait déjà porté. Il regarda en haut mais à cause du soleil, ne vit rien. Il entreprit alors de monter voir à qui cela appartenait. En arrivant en haut, il vit une silhouette et de dos, ne la reconnut pas. " Je crois que c'est à vous. "

Elle croyait qu'elle en avait finis avec eux. Elle s'était alors assise en tailleur sur l'herbe, se demandant ce qu'elle pourrait faire maintenant. Elle tripota son briquet, son briquet porte bonheur qui le suivait depuis toujours, depuis le début. Elle se noya dans sa flamme. Quand elle entendit quelqu'un, une voix. Elle se retrourna brutalement, le regard froid et pourtant sans expression. Elle ne vit pas la tête de celui qui venait de lui parler, elle vit ses vêtements. Sa tenue. Mais ils la suivront toujours ? Son passé ne la laissera pas tranquille ? Son sang bouillonna à cette idée. Non, elle sera plus forte. Elle prit la boule de vêtement et mît le briquet à l'intérieur. Une fois la fumée prise, elle reprit le briquet et jeta de l'herbe sèche sur la fumée pour qu'enfin le feu prenne. Finis la tenue.

Soudain, alors qu'il tendait les vêtements, ils lui furent arrachés. Il ne releva pas les yeux, voyant une fumée âcre s'en élever jusqu'à voir même des flammes commencer à les lécher. " Mais qu'est-ce que... " Il releva les yeux et se figea. Il recula d'un pas, les sourcils froncés. Il était face à quelqu'un qu'il ne pensait jamais revoir. C'était il y a... longtemps. Pas mal d'années, même. " Lula... ? "

Elle fixait ses vêtements partirent en flamme. Avec presqu'un, sourire de satisfaction. A ce moment, on pourrait la prendre pour une folle. Puis elle entendit son nom, elle sursauta, elle frémit, et son regard se vida. Elle se tourna paniquée vers le jeune homme. Qui, ici, pouvait bien la connaître ? Qui ? Cela n'annonçait rien de bon, rien. Elle se trouva devant un homme qui lui disait quelque chose :

« Maxime ? ... »

Oui, c'était lui. C'était lui, le jeune garçon qu'elle avait rencontré quelques années auparavant. Qu'elle avait rencontré dans une cellule, avant qu'ils ne la mettent dans un cachot.

Un sourire mystérieux s'alluma sur son visage. Le genre de sourire qui cachait plein de choses. Un sourire chaleureux, sous des airs de secrets. Oh oui, ils s'étaient déjà vus. Mais pas dans un lieu aussi ouvert et libre qu'était cette île. Il fit un pas vers elle, ne la lâchant pas des yeux comme si elle pouvait s'évanouir dans la nature en un instant. " C'est bien moi. " Il secoua la tête. " Toi... ici ? "

Elle resta de marbre. Les yeux perdus dans le vide. Il était là. Il était là, lui. Elle était obligée de se remémorer son passé, encore, pour se souvenir. Dans la cellule, tous les deux. Des révélations, du sexe. A ce mot, elle afficha un sourire mesquin. Elle lui avait avoué qu'elle était condamné à mort et c'étaient bien amusés en attendant la mort. Mais elle était là. En effet, il devait être surpris de la voir, là, vivante :

« Et oui ... »

Encore des questions s'annoncent. Toujours des questions.

Mais nos vies ne sont faites que de questions. Et ça le sera sans doute pour toujours. Il fit un autre pas et secoua la tête. " Mais... comment ? "

Lula lâcha un soupir exaspéré, puis le fixa à nouveau, au fond, mais alors tout au fond, elle était peut-être contente de le revoir. Mais pas question de le montrer. Lui dire, pas lui dire :

« Je me suis ... Débrouillée »

Dit-elle froidement. Elle frissonna en se rappelant de ce qu'elle avait dû faire, elle se rappela ce qu'elle avait vécu et son regard redevint vide. Oh non. Elle ne voulait pas, elle ne voulait pas revoir les images. Elle ferma les yeux et serra les dents pour se reconcentrer sur Maxime.

Il nota les efforts qu'elle faisait et sans hésiter une seconde de plus, franchit les pas qui le séparait d'elle en posant prudemment une main sur son bras. " Tout va bien, ils ne te traqueront plus ici. "

On aurait dit un enfant, un gosse, le gosse qu'elle avait rencontré dans cette cellule. Pourtant il était plus vieux qu'elle. Elle aurait pu être touchée par ses paroles, oui, mais non. De plus, il s'approcha. Il s'approcha et surtout, il posa sa main sur son bras. Non. Elle ne pouvait pas supporter ce contact qu'elle avait supporter avant. Son regard se perda, son coeur se mit à battre la chamade. Flashback. Le bruit de la grille qui s'ouvre, sa voix séductrice, sa main sur sa cuisse ... Le mur froid ... Ses rires. Elle se débatit :

« Non ! Non ! Lâche-moi ! »

Oui, et elle était une des seules à connaître ce gosse qui sommeillait en lui. Cet enfant de cinq ans. Brisé, abandonné, effrayé. Ce gamin qu'au fond, il était toujours, même avec vingt ans de plus. Il n'hésita pas et ôta sa main de suite, silencieux, le regard fuyant.

Il hésita à la soutenir quand elle s'écroula mais il devina qu'elle le repousserait avec force, détestant être aidée. Il resta donc là à la regarder, impuissant, et devant son regard narquois après, le sien se durcit. " Ne me regarde pas comme si tu pensais que je te prenais pour une extraterrestre. "

Il observa son visage presque parfait se tordre d'une grimace qui lui allait mal. Il en grimaça à son tour. Oui, parce qu'il était vrai qu'ici, il était plus à l'aise que dans la cellule. Donc il avait l'air moins misérable, moins minable, moins torturé. Parce qu'ici, on se passait de préjugés. Elle avait raison de penser qu'il avait pu changer. Mais ça n'était pourtant pas le cas. Il se cachait juste habilement. " Arrête, mince. On dirait que tu crois que je te prends pour une folle. " répondit-il, comme s'il lisait dans ses pensées.

Un frisson lui parcouru l'échine. Il ne savait pas si c'était un frisson lié à leur fameuse soirée animée, ou un frisson d'appréhension. Il tournait sur lui-même en même temps qu'elle, son regard plongé dans le sien pour ne pas la lâcher des yeux. " Je ne l'ai jamais oubliée. "

Pour une fois, il se sentait piégé. Pour une fois, il se sentait en-dessous. C'était toujours lui qui avait eu le dessus sur les autres, toujours lui qui charmait, et qui réussissait. Jamais l'inverse. Et là, les rôles s'inversaient. Il sentit un frisson chaud le parcourir mais le refoula au plus profond de lui, ses paroles lui faisant serrer les dents. " Tu peux parler. "

Il ne la regardait pas, ses yeux bleus fixés au loin, les dents serrés, se concentrant plutôt pour ne pas flancher. Il sentit son souffle tout près à son oreille. " Là où tu caches cette gamine aussi. "

Cette fois, c'est Maxime qui braqua son regard sur elle. " Si tu veux pas qu'on te sorte de trucs pareils, ne les sors pas aux autres, alors ! "