Et une histoire triste ...

" Alex,
Tu me manques. Je t'en veux d'être parti comme ça, si soudainement, d'avoir décidé d'emménager à l'autre bout du pays sans m'en toucher un mot. Je sais que tu venais de rompre avec moi, mais je tiens toujours à toi mon amour, je t'aime. D'ailleurs, je crois que tu as le droit d'être au courant. Je suis enceinte, de toi. C'est trop tard pour avorter, mais je ne veux pas de lui. Je ne suis pas prête à élever seule un bébé, surtout si il est de toi. Il me rappellera trop à quel point tu m'as fait souffrir en m'abandonnant. J'aurais aimé que cet enfant, on l'élève ensemble. Reviens, je me sens si seule. Je ne mange plus, je ne vis plus. Mon père m'a mise à la porte et j'ai du louer un petit appartement miteux. J'ai plus besoin de toi que de n'importe qui d'autre, je t'en prie.

xx, Judith. "

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Cette lettre, tapie au fond d'un tiroir, n'aura jamais été envoyée. Judith a finalement accouchée d'une petite fille qu'elle a nommée Clémence. Elle avait les yeux de son père, au plus grand malheur de la toute jeune mère. Étant tout ce qu'il lui restait, elle prit soin de s'en occuper du mieux qu'elle le pouvait. Sauf qu'elle avait très peu d'argent, pas de boulot et que pendant sa grossesse Judith était devenue dépressive, se droguant aux médicaments qu'on lui prescrivait et se tailladant souvent les veines. Cette dépendance diminua suite à la naissance de Clémence, mais elle ne disparu jamais entièrement. À travers ses yeux d'enfant innocent, la petite ne se rendait pas compte de la misère dans laquelle elle vivait. Pour elle, c'était normal que sa mère soit si maigre, qu'elle n'aie pas de chambre pour elle toute seule et qu'elle n'aie pas non plus de père. Elle s'épanouissait, alors que Judith replongeait.

Un jour, Clémence et sa mère étaient au parc en face de l'appartement. L'enfant avait sept ans, elle serrait de sa toute petite main celle aux doigts squelettiques de sa maman. Près de ce parc, il y avait un pont en pierre au dessus d'un immense canal où plusieurs voitures avaient déjà sombré. Judith s'en approcha puis s'arrêta devant le rebord du pont. Elle s'accroupit en face de sa fille et posa ses mains sur ses épaules. La lettre, sortie du tiroir, dépassait de la poche de son jean.
- Ma puce, maman va partir pour un très long voyage. Tu vois la dame là-bas, assise sur le banc ?
- Celle qui donne à manger aux oiseaux ?
- Oui, celle-là. Ferme les yeux, compte jusqu'à trente, puis va près d'elle et demande lui de rester avec elle.
Clémence fronça les sourcils, sa petite moue dubitative fit rouler un larme sur la joue de sa mère. L'enfant l'essuya, elle n'avait jamais aimé voir sa mère pleurer.
- Et toi ? Tu vas où maman ?
- Ne t'inquiète pas pour moi, tout ira très bien.
Judith se pencha vers sa fille et déposa un baiser sur son front.
- Je t'aime Clémence, et je t'aimerai toujours. Maintenant, ferme les yeux.
Clémence s'exécuta. Elle ferma très fort les paupières et les mains de sa mère disparurent. Puis il n'y eu plus aucun bruit. Elle décompta. 30, 29, 28... Judith monta sur sur le rebord du pont, des larmes coulant le long de ses joues. 20,19,18... Elle sortit le papier de sa poche et le serra fort contre sa poitrine. 10,9,8... Elle sauta sans se retourner, priant pour que sa fille aie une vie meilleure. 3,2,1... Elle sombra, ses lèvres s'entre-ouvrirent, et elle n'eut rapidement plus assez d'oxygène. Clémence ouvrit les paupières. Comme convenu, elle se dirigea vers la femme et fit exactement ce que lui avait demandé sa mère. La dame accepta rapidement et emmena la petite dans sa grande maison spacieuse. Sa vie devint très différente de celle qu'elle avait menée jusque là. La femme vivait avec son mari, un homme assez stricte qui faisait un peu peur à Clémence. Heureusement, il y avait sa nouvelle maman. Une femme adorable, à la peau douce et qui sentait la noix de coco. Tous les jours, elle eut droit à des cookies, des gâteaux ou des crêpes. Malgré ce nouveau bonheur, elle ne cessait de penser à sa maman, espérant qu'elle aie bien.

Son arrivée dans le bateau n'est qu'un affreux malentendu. Elle se promenait en ville avec son père adoptif, et celui-ci lui avait ordonné d'aller rechercher son manteau qu'il avait oublié à la brasserie à quelques mètres. L'enfant refusa et reçu en échange de cette acte de rébellion une gifle devant tout le monde. Elle est partie se cacher entre les passagers qui montaient à bord, n'imaginant pas que le bateau allait partir si rapidement.