Ce moment de silence lui permit de réfléchir. Il décida enfin de se jeter à l'eau.

« Amé, je crois qu'il faut qu'on mette tout au clair. Je n'aime pas vivre dans l'incertitude, » dit-il gentiment mais décidé.

Il lui prit la main en gardant toujours son regard rivé sur l'horizon.

« Qu'est-ce que tu ressens pour moi ? »

Même si il comprenait qu'elle pouvait avoir du mal à se retrouver au milieu de ses sentiments, il voulait une réponse claire.

« Mais je suis quoi pour toi ? Un ami ? Plus ? Autre chose... ? » dit-il d'une voix neutre.

Heureusement qu'il n'était pas au courant des relations d'Amé et de Louis, car la jalousie risquerait de le rendre fou. Cependant, il fut un peu agacé de la réaction de son amie et ceci le perdit encore plus, au lieu de tout mettre au clair. Il lâcha aussitôt sa main.

« Pourquoi tu t'énerves ?! Je croyais pouvoir parler calmement avec toi, mais je me suis visiblement trompé, » répondit-il, maintenant lui aussi énervé.

Il hésita à s'en aller, mais renonça. Malgré ces querelles qu'ils avaient déjà connus des dizaines de fois, il ne tenait pas à perdre sa beauté.

Il prit sa tête entre ses deux mains, à présent debout devant elle. Il n'en pouvait plus de ces doutes, de cette attente qui durait depuis trop longtemps.

« Mais enfin Amé, ouvre les yeux ! Tu ne vois pas à quel point je tiens à toi ? Tu me connais, toutes ces amourettes par ci par là, ces filles qui viennent et repartent... Mais je n'ai jamais aimé quelqu'un autant que je t'aime, » s'emporta-t-il.

Après ça, il se tourna de manière à ce qu'elle ne voit plus son visage. Il ne voulait plus penser à rien. Il réfléchirait après si il avait bien fait de tout lui avouer. Là, il avait juste envie de faire le vide dans sa tête.

Il fut surpris qu'elle le rejoigne. Il s'attendait à ce quelle parte, choquée ou même qu'une nouvelle dispute éclate. Mais, il avait peur de ce qu'elle ressentait pour lui et ça, il ne le savait pas ou du moins, pas clairement. Et pire encore, si elle était déjà en couple, qu'elle avait déjà fondé une famille ? Il en souffrirait éternellement. Il n'y a rien de pire que d'être seul à aimer.

Le seul avantage qu'il vit à cet instant, c'était qu'au moins elle le savait et qu'il n'avait plus rien à cacher. Il pouvait enfin vivre librement à ses côtés, il venait de se soulager du poids qui lui pesait au dessus de la tête depuis des mois et peut-être même des années. Certes, peut-être que vivre dans l'incertitude est moins douloureux que de vivre dans la souffrance, mais il a choisi de faire ce pas et il ne pourra s'en prendre qu'à lui si ça tourne mal. Cependant, il ne peut s'empêcher d'avoir un peu d'espoir, malgré toute l'inquiétude qui l'envahit peu à peu.

« Voilà, maintenant tu sais tout. »

« Je t'écoute, » dit-il sans réellement bouger.

Et pleurer devant elle, ce n'était pas digne d'un homme.

Il laissa un long moment s'écouler, avant d'annoncer :

« J'aurai du m'en douter. »

Sur ce, il commença à descendre les marches du temple. Il fallait qu'il fasse le point et qu'il réfléchisse à comment surmonter cette douleur. Ce n'était pas son cerveau qui lui procurait une profonde tristesse, mais bien réellement son coeur qui avait été brisé.

Cette fois-ci, il ne voyait plus aucune source de lumière. Sombrer dans le désespoir, voilà ce qui allait se passer... Déjà qu'il avait un job qu'il détestait, il allait en plus devoir passer du temps aux côtés d'Amé pour travailler. Dans ces conditions, il aurait mieux fallu l'oublier pour essayer d'atténuer et d'ensevelir les sentiments - si encore c'était possible - mais en la voyant régulièrement, c'était perdu d'avance.

Il lui répondit donc, d'une voix triste et monotone, sans plus aucune énergie ni envie de vivre :

« Tu veux que j'attende quoi ? Te voir heureuse avec un autre pendant que moi je souffre dans ma bulle ? Ce n'est pas la peine de remuer le couteau dans la plaie. »

Et il reprit son chemin.

Sans se retourner, malgré les sanglots d'Amé, il parla assez fort pour qu'elle puisse l'entendre.

« Si je m'en fichais, ça me serait passé au dessus de la tête. Tu ne vois donc pas la souffrance qui me déchire, comme tu n'as pas vu à quel point je t'aimais. Et si je pars, c'est pour te lâcher les baskets, voilà tout. »

Il n'entendit sa dernière phrase qu'à moitié, tellement elle était engloutie par les sanglots. Il n'était pas sûr de l'avoir bien compris, il préféra donc ne pas y accorder d'importance.

Il eut un moment d'hésitation, ne sachant quoi répondre.

« Si c'était aussi simple... »

Il se tourna et posa son regard triste sur Amé.

« Alors je t'écoute. »

En écoutant le récit de son amie, il ne put retenir une larme qui dégoulina sur sa joue avant de s'écraser au sol. Il comprenait que la situation d'Amé était difficile, mais elle s'était mis dans le pétrin toute seule... Maintenant, soit elle brisait le coeur de Kévin, soit celui de Louis car il n'accepterait pas qu'elle voit quelqu'un d'autre si ils étaient ensemble. Cela devait sûrement aussi être le cas de Louis.

« C'est sans issue... »