Lexie voulait trouver un endroit pour dormir et assez loin de son camp (enfin à ce qu'il lui semblait), elle entra dans le phare en faisant grincer la porte.

La jeune fille, qui s'était réfugiée à l'intérieur du phare depuis une petite heure, entendit des pas approcher. Prise par surprise, elle sécha ses larmes aussi vite qu'elle le put et se mit sur ses gardes. La porte vint à grincer et une jolie demoiselle, aux allures plutôt mystérieuses, apparut. Emma la regarda de ses yeux bleu, emplis de tristesse.

Malheureusement pour elle, il y avait quelqu'un à l'intérieur. Lexie plissa les yeux et ceux-ci se posèrent sur une gamine qui ne devait avoir guère plus de quatorze ans. Elle ne dit rien pendant un moment puis décida de jouer la sociale, compatissante. La petite n'avait pas l'air très bien.
" Salut, euh... je peux venir dormir ici ? "

« Oui, bien sûr ... » se contenta-t-elle de répondre avec une petite voix.
Emma se décala sur sa droite. Il fallait bien faire une petite place à l'arrivante. Puis, elle osa demander :
« Pourquoi viens-tu te réfugier ici ? »

Appréciant le geste de l'adolescente, Lexie s'avança alors plus et s'assit à côté d'elle.
" Je n'avais pas envie de dormir à mon camp.. j'avais besoin de changer d'air. Et toi, que fais-tu ici toute seule ? "

« J'avais envie de m'isoler ... Je n'ai pas l'habitude d'être coupée du monde, comme ça. »
C'est vrai qu'Emma ne connaissait personne ici, à part sa soeur. Sa famille, ses amis ... elle se demandait si elle aurait l'occasion de les revoir un jour. A l'instant où elle venait de se remémorer ces souvenirs douloureux, elle ne put empêcher une larme de perler au coin de son oeil.

« Tes proches ne te manquent pas, à toi ? » quémanda-t-elle.

Lexie l'observa sans dire un mot. Elle était encore jeune, si bien qu'elle ne la sermonna pas. Bien qu'elle trouvait son attitude très faible.
" Ma mère est morte il y a longtemps, je n'ai jamais connu mon père et j'étais fille unique. Non, ma famille ne me manque pas. "

« Tu sais, je n'ai pas non plus connu mon père et ma mère est morte quand j'étais petite. Pendant ce temps là, je n'ai pu compter que sur ma soeur. C'est les gens sur qui j'ai pu compter, qui me manquent. » répondit-elle.
Et comme si la jeune fille lisait dans ses pensées, elle ajouta :
« Quoique tu puisses penser de moi, j'apprécie ta compagnie. »

Lexie haussa un sourcil, surprise. Mince, cette gamine lisait dans ses pensées... elle était mal barrée.
" Tu ne me déranges pas non plus. Mais.. ta soeur te manque maintenant que tu es piégée ici, non ? "

Emma ne put réprimer un sourire, amusée.
« Ma soeur est sur l'île ! » s'exclama-t-elle.

Lexie exprima une moue de surprise.
" Ah bon ? Qui est-ce donc ? "

« Artémis Elloah, peut-être que tu la connais ... »
La fillette songea à lui faire un roman décrivant sa soeur, mais elle pensa que ce serait inutile et plus ennuyeux qu'autre chose. Elle se ravisa donc.

" Ah oui en effet, je la connais. "
Marmonna la blonde.

« Bah voilà ! » se contenta-t-elle de répondre.

Lexie décida de ne rien dire de plus sur Artémis; elle était de toute façon bien incapable de dire si elle l'aimait bien ou si au contraire, pas du tout. Leur rencontre avait été des plus originales.
" Ok. " répondit-elle seulement.
Elle s'appuya contre le mur derrière-elle en soupirant doucement.

Emma, qui l'imitait discrètement, se permit de lui demander :
« D'où viens-tu ? »

" New-York, les USA. "
Répondit-elle d'un ton passif.
" Oui, toi de France, je sais. "

Plus que surprise, l'adolescente se demanda comment celle-ci pouvait le savoir. C'était peut-être une voyante ?! pensa-t-elle. Mais elle ne s'attarda pas sur son imagination débordante qui la mettait souvent en déroute, et se ramena à la raison :
« C'est ma soeur qui te l'a dit ? » demanda-t-elle, curieuse.

Lexie lui lança un regard plein d'amusement, et lui répondit, d'une voix légèrement narquoise :
" Non, le pape, tiens. "

C'était la première fois qu'elle voyait cette jeune fille avoir de l'humour. Elle répondit donc, sans savoir ce qu'elle devait vraiment en penser :
« Ha ha ha ... »
Puis, sans si attendre elle-même, elle fut prise d'un fou rire. Voulant donner l'impression que la blague était peu amusante, elle tomba dans son propre piège. Ah, c'était malin !

Elle fronça les sourcils. Pourquoi ce soudain fou-rire ? Elle la regarda, mi-amusée, mi-consternée. Cette jeune fille était bien étrange, en tout cas.
" Euh... je peux savoir ce qui te fait rire autant ? "

« Oh ... rien. D'ailleurs, je ne m'y attendai pas. » s'esclaffa-t-elle.
Essayant de se calmer, elle entreprit de l'interroger un peu plus :
« D'ailleurs, je peux savoir comment tu t'appelles ? »

Ah oui, elle ne s'était même pas présentée !
" Alexandra, mais on m'appelle Lexie. Et toi ? "

« Moi, c'est Emma ! » s'exclama la jeune fille.
Si ma soeur ne te l'a pas aussi dit, ajouta-t-elle en son for intérieur.
Ohh Alexandra ... Ce prénom lui rappelait quelqu'un qu'elle appréciait beaucoup. Au passage, elle aimait bien le surnom Lexie, c'était original. C'est alors qu'elle décida de lui confier une des choses qu'elle jugeait importante à ses yeux. Même si elle ne connaissait que peu la personne, une force inconnue la poussait à parler.
« Lexie, si je peux me permettre, j'ai envie de me confier à toi. Ca me fera sûrement du bien de parler, car depuis que je suis sur cet îlot, je me sens un peu seule. » commença-t-elle, alors que la nuit venait de tomber.

L'adolescente s'arrêta un instant pour remettre une mèche de cheveux derrière son oreille, avant de reprendre :
« Je connaissais aussi une fille qui s'appelait Alexandra ... C'est ce qui me pousse à t'en parler, car elle me manque comme beaucoup d'autres. Celle-ci était un peu spéciale, avec un caractère bien étrange, mais je l'adorai telle qu'elle était. On partageait beaucoup de choses ensemble et cela me permettait de progresser dans une langue étrangère. »

Puis, elle lança un regard à sa voisine, ne se souciant plus de savoir si elle l'écoutait avec attention, ou pas.
« Certes, la distance nous séparait comme je viens de France, mais ça, tu m'as prouvée que tu le savais déjà. Cependant, cela ne m'empêchait pas de considérer cette personne comme une amie proche. » continua-t-elle.

Emma se leva et se dirigea vers une fenêtre brisée dans un coin du phare. On peut dire que celui-ci était vraiment crade. Elle se demandait depuis combien de temps il était abandonné. Regardant à travers la vitre, elle admira l'étendue d'eau qui s'offrait à elle.
« C'était ma correspondante américaine ... » finit-elle.
A ce moment précis, la fillette éclata en sanglots une nouvelle fois. L'idée de ne jamais lui reparler était inconcevable pour elle. Elle lui manquait déjà ... Puis, se ramenant à la raison encore une fois, elle se demanda se que pouvait penser sa copine, si elle pouvait la considérer ainsi, de toute cette histoire et de ses dernières larmes.

Emma ? Elle avait connu une Emma. Elle avait pris l'initiative d'entrer en correspondance avec une jeune fille, plus jeune qu'elle, acceptant l'offre d'écoles françaises qui recherchaient des gens avec qui leurs élèves pouvaient correspondre. Ce genre de contact inhabituel avait séduit Lexie et elle avait accepté. Sa correspondante vivait en France. Et s'appelait Emma. Se pourrait-il que... ? Elle ouvrit de grands yeux sur elle, et quand cette dernière se mit à parler, elle sut qu'il n'y avait plus aucun doute. Néanmoins, abasourdie, elle fut bien incapable de réagir à tout ce qu'elle disait, de la consoler, ou quoi que ce soit. On aurait dit un automate, les yeux ouverts, ne comprenant pas comment c'était possible. Elle aussi s'était beaucoup attachée à cette petite fille. Elle la regarda alors fixement, en murmurant seulement :
" Je m'appelle Alexandra, oui, et j'avais une correspondante française. Qui s'appelait Emma. "