Il chantonnait cet air stupide, assis sur une balançoire grinçante, ne se demandant même pas ce qu'elle foutait là.

Gloria se baladait gaiement dans le parc emplis de vieux jeux quelque peu en ruines. Comme ceux de son enfance. Seule une voix masculine et un bruit de balançoire abîmée changeaient de ses souvenirs. Armée d'un courage légendaire, elle s'approcha de l'inconnu, finalement plutôt familier. « Toi ! » hurla-t-elle d'une voix emplie d'une rancune apparente.

Il se fit soudainement agressé, voyant une femme inconnue s'approcher de lui à grands pas, le doigt pointé dans sa direction. Il arrêta de se balancer et plissa les yeux. Inconnue ? Non. " Putain c'est pas possible, ils se sont tous réunis ici pour me faire ma fête ou quoi ? " marmonna-t-il entre ses dents, levant les mains en l'air avec l'allure d'un innocent. " Hé oh, du calme, du calme ! "

Elle touche ses longs ongles, comme pour vérifier qu'elle peut se défendre au corps à corps. Elle s'approche de Maxime, en fait le tour, se déteste d'encore l'aimer, de voguer entre deux sentiments brûlant et incompatibles. « Me calmer ? Mais je suis calme, monsieur. » Elle évite son regard, ce regard bleu si envoûtant. « Tous ? Mais qui d'autre est là pour te casser la gueule Max ? Que je saches où trouver des alliés ! »

Elle évitait son regard, et lui la fixait encore plus, tournant en même temps qu'elle pour toujours être face à elle. Il n'avait pas confiance, et il voyait la colère battre dans ses paroles. " Nulle part. Personne n'est venu pour me casser la gueule à part tes grands copains avant que je m'en aille de chez toi là-bas ! "

L'agacement monte en elle, pourquoi n'arrête-t-il pas de tourner ? Elle veut sentir sa colère l'affaiblir, avoir un point de supériorité sur lui. Au sang chaud, elle ne peut se contrôler, juste s'y plonger jusqu'à se noyer, seule et sans aide. « Tu l'avais bien mérité ! Pourquoi fuir ? Disparaître ? Assume, mon grand, il est réellement temps d'assumer ! »

Il tournait toujours, vraiment pas confiant. Il fixait ses yeux bleus et envoûtants sur elle, méfiant. Sur la défensive, il baissa ses mains. " Hé, c'est pas de ma faute si t'es tombée amoureuse de moi ! "

Elle ne peut que se rattacher à cette méfiance certaine, c'est son seul appui, sa seule chance pour ne pas défaillir. Ses mots la blessent, elle baisse la tête et s'arrête une poignée de secondes. Mais non, sa seule envie est de le faire payer, peut-être pour ensuite le regretter à vie. Plus rien n'importe ici. « Peut-être, mais l'amour ne se contrôle pas. La fuite, si. »

Oui, il était blessant. Oui, il était vil et ingrat. Oui, il était lâche. Maxime était ainsi. Et tout le monde s'amourachait de lui - chose qu'il ne comprendrait jamais. " Je n'aurais rien pu t'offrir de ce que tu attendais de moi, Gloria ! " dit-il en haussant la voix, secouant la tête.

Elle s'arrête et pose ses mains sur la balançoire, s'approchant de lui, un regard de tueur. Elle ne comprend pas comment deux sentiments aussi contraire, amour et haine, peuvent cohabiter. Le second est plus fort, le premier plus embrasant. « Et alors ? Disparaître n'était pas la solution ! »

Il déglutit et la regarde fixement, ne bougeant plus. " Que faire d'autre ? Je n'aurais pas supporté te voir souffrir à cause de moi. " Oui, c'était lâche. Alors, il avait préféré s'enfuir pour ne pas la voir souffrir, sachant que ça ne changeait rien.

Sa réponse eut un drôle d'effet sur Gloria. Elle recule, le dévisage, puis détourne rapidement la tête. « Tu ... tu ... tu .... » Elle soupire. « Tu es pire que ce je pensais ! Tu n'assumes aucun de tes actes ! » Ancolie fait un pas en arrière, tombe dans le sable, et regarde Maxime d'un air suppliant.

Il déteste ça. Il déteste blesser tout le monde autour et pourtant, il se débrouille toujours pour faire d'un champ de mine n'importe quel endroit où il passe. Il est incapable de soutenir son regard plus longtemps et le détourne. Après plusieurs secondes, il se lève de la balançoire, et vient s'asseoir en tailleur en face d'elle. Il lui prend une main, hésitant, et relève enfin les yeux vers elle. " Ecoute.. je suis désolé. Je sais, ça ne suffit pas, je sais ça ne me rattrapera pas, mais je suis désolé. Vraiment. "

Il cherche son regard mais elle le détourne, alors il regarde ailleurs à son tour. Il tient toujours sa main, mais ne sait pas quoi en faire, craignant de faire quelque chose de mal. Sa question est réelle. Pourquoi ? Pourquoi ? Il serre les dents. Il sait qu'Acadie pleure. Il aurait envie de pleurer, lui aussi. Non. Il inspire à fond. Et répond de façon toujours aussi franche. " Parce que je suis incapable d'aimer sans détruire. "

Merde, désolée, j'ai le cerveau à l'envers...
Il braqua ses yeux sur les siens. Leurs yeux étaient si différents. Les siens étaient d'un bleu pur, unique, et celles d'Ancolie étaient d'une brun foncé, presque noirs. Il soupira, sans détourner son regard, serrant lui aussi sa main. " Peut-être, mais moi c'est pas important. "

Mais la pitié, il n'en a pas besoin. Il l'a toujours détestée. Toujours rejetée. Ses parents ne faisaient preuve d'aucune pitié avec lui. Il voit cette lueur familière des familles d'accueil, des psychiatres, des gens qui le regardaient autour dans son enfance. Voilà la raison pour laquelle il s'était forgé cette carapace. Il retira sa main d'un seul coup de celle d'Ancolie. " Je n'ai pas besoin de ta pitié. Je croyais qu'on parlait de te faire du mal à toi, laisse ma personne physique et morale en dehors de ça. " dit-il, un peu sec et distant.

Il la foudroya du regard, ses prunelles bleues soudainement froides. Il se leva alors d'un coup. " Très bien, déteste-moi, ça m'arrangerait, justement. "

Son orgueil se heurte à celui du jeune homme. Elle se tourne, toujours assise, un rire moqueur coincé dans sa gorge la démangeant. « Me dit pas n'importe quoi Max. Alors c'est tout, tu veux faire comme à chaque fois, disparaître ? Partir lâchement dès qu'on contredit ton égo ? »

La tension monte. Soudain rageur, il s'accroupit et s'approche d'elle, près, très près, la fixant droit dans les yeux. " Qu'est-ce que tu veux, exactement ? Non parce que là, ça sert à rien. Me pardonner, tu le feras pas. Je n'ai rien pour me racheter. Oublier, c'est impossible, je le sais, tu le sais. Alors tu veux quoi ? "

La brune, terriblement vexée, fait comme lui, et se rapproche au point de frôler son nez. Elle s'en amuse, mais se retient avec force de ne pas lui cracher au visage. « Je veux comprendre ! Tu changes d'avis et de caractère toutes les 10 secondes ! Arrêtes, j'en ai mal à la tête !»
You change your mind
Like a girl changes clothes

Il ne recule pas, laissant entre eux cette proximité dérisoire. " Mais comprendre quoi, bordel ? " murmure-t-il, les dents serrées.