Contemplatif et le regard asthénique, la vague impression que ce phare fourvoyé et délaissé me ressemblait, me prit d'assaut. Il est vrai que nous avions certains points en commun, lui et moi. À cette pensée je riais bêtement, me laissant tomber sur l'étendue de sable.

Je passais avec harassement ma main sur le visage, afin de désobstruer les quelques grains de sable qui s'étaient commodément invités sur celui-ci. Après avoir décelé la bonne position, je m'autorisais à fermer les yeux un instant. La brise était suavement agréable, ce qui me fit ébaucher un faible sourire.

Un bruit sourd et lointain me fit ouvrir les yeux. Doucement je me redressais, scrutant l'horizon. Un geste nécessaire, instinctif, je tapotais une des poches de ma veste afin de vérifier si je n'avais rien perdu d'important sur le chemin et une fois rassuré, je me relevais.

Une pensée me traversa l'esprit. Et si je n'arrivais pas à dégager d'ici au plus vite, qu'est-ce que je deviendrais ? Était-ce cependant bon de se poser la question ? Avais-je au moins un quelconque espoir ? Le ciel était ma seule limite. N'est-ce pas ? Passant discrètement ma main dans les cheveux et pivotant d'un air légèrement égaré, je ne pouvais m'empêcher de me faire craquer les doigts comme si cela m'était un besoin vital. C'est alors qu'au loin, une silhouette ruisselante de féminité me frappa comme la foudre. Elle lui ressemblait tellement. Était-ce une illusion ? Un mirage du désespoir ? Sans aucun doute. Comment aurait-elle pu être dans la même situation, c'est à dire dans la même merde que moi, alors qu'auparavant j'avais tout balayé d'un revers de main uniquement pour sa protection.

Elle s'avançait vers moi, et je faisais de même, abordant une expression similaire. Incompréhension, appréhension. C'était bien elle. Un air grave s'incruste dans les traits qui ornent mon visage, sans même que je m'en rende réellement compte. La mâchoire serrée et le coeur palpitant, je lui adressais un petit signe de la main. Un signe, que je lui adressais de loin.

- Probablement, soufflais-je d'un air incertain, égarant mes deux prunelles au dessus de son épaule.

- J'ai...
J'avais beau réfléchir, je n'arrivais pas à trouver les bons mots pour lui expliquer ce que je faisais réellement sur ce bateau. Les mains dans les poches, j'exhalais une bouffée d'air, avant de reprendre, le regard fuyant. - J'avais besoin d'argent... Tu sais, le genre d'argent qu'on obtient illégalement ajoutais-je alors, esquissant un petit sourire désinvolte.

- Juste le nécessaire, dis-je en sortant un petit paquet de ma poche. Je croisais son regard et ne pouvais m'en décrocher. - J'ignore quand est-ce qu'on va repartir d'ici, alors en attendant, il faut modérer ajoutais-je, en serrant la mâchoire. Modérer. Un mot que mon esprit refusait d'adhérer, et pourtant il le fallait. - Et toi, qu'est-ce que tu fais ici ?

- Tu sais où ça nous a mené, la dernière fois que j'ai partagé, balançais-je comme un reproche, tout en fronçant les sourcils. " J'avais besoin de changer d'air " disait-elle ... Avec mécanisme, j'analysais une ultime fois les lieux avant de reposer mon regard sur la petite blonde, en haussant les épaules. - Changer d'air.. répétais-je bêtement en haussant cette fois-ci les sourcils, - Tu as réussi ton coup on dirait, terminais-je avec ironie.

" Oui, je me souviens. Tu m'as quitté, et j'ai failli crever. " Cette phrase me tomba dessus comme une claque, un coup infligé par surprise, désarmant l'adversaire de tout mot, de toute réaction. À un tel point, que j'emmenais lentement trois doigts sur une de mes joues, comme si j'avais réellement été attaqué physiquement. Mais je finissais par soupirer, pour ne pas changer les vieilles habitudes. - Cela ne risque plus de se reproduire, ajoutais-je. Puisque je ne reviendrais sûrement pas.

- Je ne veux plus prendre le risque de te voir sombrer avec moi ! m'exclamais-je, tremblant de tout mon être. Je pouvais déjà sentir une petite veine gonfler sur mon front, une veine qui avait prit l'habitude de sortir, dans des moments délicats comme celui-ci.

Mes mains ne pouvaient s'empêcher de trembler, alors que mon coeur valsait entre mes deux côtes. Je m'éloignais de quelques pas, puis me retournais, plongeant mon regard dans le sien, et fouillant dans mes poches avec une frénésie passagère. - Tu.. tu sais quoi ? Je crois qu'on a besoin de se détendre alors.. alors on va faire une exeption, murmurais-je en sortant un premier paquet, - Nous avons de quoi se faire quelques rails.. puis je sortais un deuxième paquet, un peu plus gros que le premier et j'ai pas mal d'herbe, et .. fouillant dans les poches de mon jeans pendant quelques secondes en dissimulant des injures, je sortais un bout de papier froissé, où s'y cachaient quatre petites pastilles colorées. .. ecstasy.

" T'as un briquet aussi rassure-moi. " Je la fixe un instant, alors qu'un long silence s'impose. - Non avouais-je, en haussant un sourcil et me traitant intérieurement d'idiot. Elle m'invita à m'asseoir, et je ne perdais pas de temps à m'écrouler au sol, étalant tous mes trésors afin d'avoir un meilleur point de vue de ce que nous allions consommer. - J'espère que tu as un briquet, sinon c'est mort pour ça, dis-je en pointant du regard le paquet d'herbe. Attendant sa réponse, je contemplais les drogues, les yeux brillants. - Nous sommes des Robinson Crusoé des temps modernes, chérie finis-je par dire, tout souriant.