‘Ali viens me rejoindre chérie !’
J’entends sa voix douce malgré le brouhaha environnant. Je vois sa main qui me fait signe de la rejoindre, sous les flashes des appareils photos. Un soupir passe la barrière de mes lèvres, et à contre cœur, je m’avance vers elle, mal à l’aise dans ma robe Chanel qui me sert de partout, et les orteils écrasés dans les talons hauts que ma génitrice m’avait prêté. J’arrive vers elle, et place un sourire totalement faux sur mes lèvres, alors que ma mère me serre dans ses bras, en souriant à la foule de paparazzis qui se trouvait devant nous. Des voix de toutes parts l’appelaient ‘Par ici Carly !’ ou encore ‘Carly, fais-moi un beau sourire.’
Carly, c’est ma mère. Mannequin depuis ses 17 ans, à plus de 37 ans, elle est toujours au top, et elle est considérée comme une des plus jolies femmes au monde. Mais c’est vrai, c’est la plus belle femme que je connaisse, elle est grande, elle a de grandes boucles chocolats, elle a une moue bien à elle, qui fait craquer tout le monde, et des yeux d’un bleus profonds. Aujourd’hui, c’est comme souvent ces derniers temps, elle n’a plus mon père sous la main, alors c’est moi qu’elle traine à ses galas, ses soirées, ses défilés. Mon père est parti il y a maintenant sept mois, parce qu’il ne supportait plus le boulot de ma mère, les photographes toujours présents. Je le comprends, là tout de suite, j’ai bien envie de prendre mes jambes à mon cou, et de me tirer en courant. Enfin, se serait plutôt en clopinant vu que j’ai les pieds détruits par ces talons de 12 centimètres. Oui oui, exactement douze, j’ai mesuré une fois avec Charline, ma meilleure amie.
Enfin. Je me détache avec peine de ma mère, et adresse un dernier sourire à la foule, avant de m’engouffrer à l’intérieur de la salle. Je ne devrais même pas être là, mais elle m’a forcé à l’accompagner. Je devais être au cinéma avec Charline et Lola, mes deux meilleures amies, pour voir un film avant d’aller manger une glace –allégée bien sur !-
Mais Madame en avait décidé autrement, et comme toujours, c’est selon ses désirs à elle.
Plus égoïste tu meurs quoi !
Ma mère a beau être sympa –parfois- elle reste la femme la plus égoïste et égocentrique que je connaisse. Petite, elle m’a fait faire des milliards de concours de beauté, et des défilés. Elle veut absolument que je suive ses traces, sauf que le mannequinat. Très peu pour moi. J’ai essayé de lui faire comprendre que moi ce n’est pas posé que j’aime mais photographier, elle ne comprend pas. A croire qu’elle est stupide.
Mais je sais qu’elle ne l’est pas, elle fait juste la sourde tête. Soudain, un type m’aborde, près du bar au quel je m’étais échouée. Il a un beau sourire, et des yeux noisettes.
Je lui adresse un sourire. Il commence à me parler. D’une croisière. Et soudain, ça me semble la meilleure idée que j’ai jamais eu. Envoyer un texto à ma mère et m’envoler –enfin naviguer- vers une autre destination. Juste avant de devoir retourner en cours tout ça.
Mais bon, je suis une gentille fille, je vais pas lui envoyer un texto. Je m’avance vers elle, et lui colle un bisous sur la joue, avant de lui expliquer en vitesse la situation. Elle ne peut pas dire non, pas devant la foule régnante, elle ne peut pas me piquer de colère, et elle se contente de hocher la tête. ‘D’accord, mais ne prends pas mes chaussures avec, j’aimerais les mettre pour mon interview de demain.’
Même pas de ‘Prudente ma chérie, prends soin de toi.’ Juste un avertissement sur ses foutues godasses. A mon tour de hocher la tête, et de m’éclipser en vitesse.
Je passe à la maison, et fais mon sac. Je prends des affaires, et mon appareil photo. En route, j’appelle Charline & Lola, pour les prévenir. Elles, elles me disent d’être prudente.
Je monte sur le bateau, et enfin, je m’en vais. Soudain, tout le poids, la pression, tout ça qui m’habitait se dissipe, et pour une fois, je me sens moi, juste moi. Pas la fille de Carly Von Hunber. Mais ce que je ne savais pas en montant, c’est que jamais plus je ne reverrais Carly, alias ma mère, ou Cha & Lola.