Voilà un nouveau petit quelque chose, qui m'est venu comme ça, enfin pour tout vous dire, inspiré de l'histoire de Nahuël (vous retrouverez même le prénom ) & de l'histoire de plusieurs personnages d'un autre forum. A voir si vous avez du temps à perdre ! Vos commentaires, avis & critiques sont les bienvenus.

PROLOGUE

– Tu es attendu sur scène dans dix minutes. Où est Nina ?
– Je n'sais pas, elle devrait être déjà là.
– Bon, dès qu'elle arrive, dis-lui que vous passez bientôt.
Nahuël hocha la tête. Il passa sa main dans ses cheveux avec nervosité. En moins d'une minute, il regarda sa montre quatre fois. Que faisait-elle ?
C'était un honneur que de pouvoir faire l'ouverture de ce Gala de charité, et elle le savait, elle ne pouvait pas se permettre d'être en retard, pas ce soir ! Les yeux bleus du garçon balayèrent les alentours. Tous se préparaient, faisaient les derniers ajustements. Avec Nina, il n'avait pas besoin de ça, ils se connaissaient de la pointe des pieds jusqu'au bout des doigts, et ce dès le premier jour où ils avaient dansé ensemble.
Les minutes défilaient. Ce n'était pas normal. A présent, il le pressentait, ce n'était pas normal. Quelque chose clochait. Si elle était vraiment en retard, elle l'aurait appelée. Mais il n'avait reçu aucun appel. Depuis toujours, il avait cette peur qu'elle le quitte, qu'elle se sente trop bien pour lui. Avait-elle choisi ce soir-là ?
Non. Sa raison le ramena sur Terre. Elle l'aimait, et il le savait.
– Bon Nahuël, c'est à toi. Ysandra va te servir de partenaire, on ne peut plus attendre là.
– Attendez, elle...
– Non, c'est comme ça, point.
Le jeune homme soupira, regardant une dernière fois vers l'arrivée des coulisses mais il n'y avait plus aucun mouvement. Tous les autres danseurs se tenaient derrière le rideau, attendant leur tour. Dans la salle, il pouvait entendre des trainées de murmures qui courraient de siège en siège. Il inspira à fond et se saisit de la main de sa partenaire « de rechange », de la remplaçante de Nina, pour mieux dire. Et quand il entendit son nom dans le micro, il afficha le sourire le plus brillant qui soit et se lança sur la piste.

Tandis que les projecteurs se braquaient sur le nouveau couple qui envahissait la scène, une moto filait en direction de la salle. Londres était bruyant à cette heure-ci et peuplé. La jeune femme avait du mal à se frayer un passage furtif entre les passants, les taxis jaunes et les voitures. Cheveux au vent, elle slalomait dangereusement entre les obstacles, pensant encore pouvoir arriver à l'heure. Si seulement elle n'avait pas été retenue par ce... les phares l'éblouirent et sa pensée n'arriva pas à terme.
Lui faisait tournoyer sa cavalière d'un soir, sous les regards admiratifs du public.
Elle tentait de maitriser son engin qui dérapait sur le côté.
Dans ses oreilles à lui résonnait une musique vive ; dans les siennes, les klaxons l'assourdissaient.
Pas à gauche. Deux à droite. On avance, on recule, on active. Le rythme s'accélère.
Sa vue se brouilla et elle termina sa course contre un mur.
Saluts. Applaudissements du public.
La dernière chose qu'elle entendit fut les sirènes de l'ambulance.

Rooh merciiii beaucoup

Si ! Enfin, je le stoppe pas quoi Mais là ça m'est venu d'un coup il y a quelques jours donc voilà

Han merci
J'avais vraiment peur de foirer cette partie justement, j'avais pas l'impression d'avoir bien réussi à jongler entre l'un & l'autre et d'y mettre juste assez d'émotion pour garder cette écriture relâchée & désinvolte, mais si ça va alors tant mieux.

Ҩ CHAPITRE UN

Il quitta le bar un peu excessivement. Autour de lui, les gens parlaient encore de l'accident. Comment pouvait-il avancer si le monde entier le tenait englué là-dedans ? La réponse était là : il ne pouvait pas. Alors il n'y avait qu'une solution. S'enfuir. S'en aller. N'importe où, mais loin d'ici. Oui, c'était ça la solution.
Il franchit la porte de son appartement avec brusquerie. Sa colocataire, Lily, ne sursauta même pas tant elle y était habituée. Elle posa ses yeux chocolats sur lui mais il ne la regardait pas. Il se dirigea jusque dans la cuisine sans un mot pour avaler un grand verre d'eau froide. Les bribes des informations du soir que crachaient la télé lui parvenait comme s'il avait la tête sous l'eau. Pourtant, il entendit bien son propre nom, suivi d'un autre. Encore. Cette histoire ne finirait-elle donc jamais ? Comment, mais comment, pouvait-on huit mois après, encore en parler ? Comment cela pouvait-il encore intéresser quelqu'un ? Il se souvenait des derniers mots de son père. « Méfie-toi, mon garçon. Les gens se nourrissent des malheurs des autres. » Il ne s'était jamais intéressé à cet avertissement. Maintenant que le monde entier se délectait de son désespoir, il comprenait combien c'était vrai.
Il revint vers le salon avec des pas précipités. S'en aller. De suite. Ne pas trainer. Ne rien importer. Juste partir. Il voulu se diriger vers sa chambre.
Entre temps, Lily se mit en travers de son chemin.
– Tu vas où comme ça, Lorenzo ?
Elle était la seule à l'appeler par son deuxième prénom. Elle trouvait que cela donnait un côté affectif. Il leva les yeux, et croisa son regard.
– Je m'en vais.
– Hors de question.
– C'était pas une question, murmura-t-il en la contournant, gagnant sa chambre pour sortir un sac de sport et enfourner quelques fringues dedans.
Derrière-lui, la brunette s'était adossée à la porte. Elle attendit qu'il ressorte de la pièce pour le bloquer complètement en le prenant par les épaules.
– Tu peux pas partir.
De nouveau, il releva ses yeux bleutés vers elle, s'accrochant à ses prunelles comme un bateau à la dérive.
– Et pourquoi ? Donne-moi une seule bonne raison de rester plus longtemps ici.
Les secondes qui suivirent semblèrent des être des heures. Lily écartait une mèche de ses cheveux lorsqu'elle répondit :
– Parce que tu ne peux pas me laisser.
Ce n'était pas une bonne raison.
C'était LA raison.

Ҩ Ҩ Ҩ

Lily se souvenait encore comment elle l'avait rencontré. Elle venait d'arriver à Paris à l'époque, et cela remontait seulement à quelques mois. Il lui semblait même que c'était exactement il y a sept mois et demi. Donc après un rapide calcul, on pouvait savoir que cela faisait moins d'un mois que le drame était arrivé.
Dès qu'il lui avait foncé dedans à l'aéroport, elle l'avait reconnu. En même temps, cela faisait deux semaines qu'ils en parlaient aux informations. Elle ne regardait pas beaucoup la télé, mais comment louper ça ?
Elle s'était excusée immédiatement, et si lui l'avait fait, elle ne l'avait pas entendu. Le jeune homme avait semblé perturbé, pressé, déboussolé. Ses cheveux n'étaient pas coiffés et partaient dans tous les sens. Son regard d'un bleu comme elle n'en avait jamais vu était fuyant. Il avait dû voir qu'elle l'avait reconnu. Donc il avait tenté de fuir. Il l'avait contourné et c'est tout.
Ils n'étaient pas censés se croiser là, pas censés se rencontrer comme ça. Mais le destin avait fait que ça s'était produit. Leur rencontre aurait pu se limiter à ça. Elle aurait continué son chemin, aurait en vain cherché comment gagner l'appartement qu'elle louait, sans connaître la ville.
Elle s'était alors rendue compte qu'elle allait avoir besoin de quelqu'un. Et celui qu'elle choisit avait cruellement besoin de lui. C'est dans la queue pour l'embarquement qu'elle l'avait retrouvé. Elle posa sa main sur son bras en lui criant un « Attendez ! ». Il s'était retourné, posant ses prunelles torturées sur elle et secoua la tête. « Je suis désolé, je ne parlerais pas de... » – « Ce n'est pas pour ça que je suis là. Laissez-moi vous aider. » Il la considéra un instant, l'observant vraiment pour la première fois. Elle avait des cheveux châtains foncés mêlés à quelques mèches plus claires. Des yeux chocolats où étaient dispersées quelques étoiles ambrées. Un visage de porcelaine, pâle mais attendrissant. Sa voix sonnait d'un accent nordique.
Il ne répondit rien. Mais son regard demandait tout seul. Il semblait plus calme. Rassuré.
Elle baissa les yeux. « Je.. je sais ce que vous avez vécu. Moi aussi j'ai vécu ça, et... » Et d'un seul coup, il se dégagea. Ses yeux s'assombrirent et il se referma sur lui-même. Instable. « Non vous ne savez pas, ils disent tous ça ! » – « Sauf que moi c'est vrai. Il s'appelait Liam. J'ai mis du temps à m'en sortir, mais c'est possible puisque j'y suis arrivée. Et je peux vous aider à faire la même chose. » Elle vit que dans son regard, le doute le disputait maintenant à sa méfiance instinctive. Elle avait alors posé de nouveau sa main sur son bras avec hésitation.
Il ne s'était pas dégagé. Elle l'avait vu dans ses yeux. Il la croyait. Mais il ne semblait toujours pas déterminé à l'accepter. « Et j'ai besoin de vous, moi aussi. » Il avait inspiré à fond. Ensuite, il s'était écarté de la file pour faire quelques pas, sachant très bien qu'elle allait le suivre.
Lily ne pouvait qu'être surprise. Pourquoi avait-il accepté comme ça, d'un coup ? « Je m'appelle Alice, mais on m'appelle Lily. » s'était-elle alors présentée. Il s'était retourné et l'ombre d'un sourire avait traversé son visage.
« J'espère que tu sais où on va, Lily. Ma voiture est garée dehors, viens. Et moi c'est Nahuël. » Elle avait clairement entendu les notes d'accent espagnol dans la voix du brun. « Je sais. » avait-elle simplement répondu.

Ҩ Ҩ Ҩ

Elle s'attelait à lui préparer une grande tasse de café. Elle avait réussi à le faire simplement asseoir sur le canapé et le voilà qui fixait la télé sans la regarder. Elle avait l'habitude. Depuis qu'elle avait débarqué dans sa vie, il était ainsi, même si elle pouvait aisément constater quelques améliorations. Déjà, il se nourrissait avec plus d'entrain et il avait cessé de prendre de la drogue. Même s'il continuait à boire, et qu'elle le savait, acceptant qu'il avait besoin d'avoir encore quelque chose à quoi se raccrocher. Même si elle aurait également préféré que ça soit autre chose. Elle, par exemple.
Lily sortit de ses pensées en secouant la tête, lui apportant sa tasse brûlante. Elle la posa sur la table basse devant lui mais il ne semblait pas la voir. Elle s'assit à côté de lui et posa la main sur son dos. Aucune réaction.
– Lorenzo, bois un peu. Tu veux que je te fasse quelque chose à manger ?
– Je vais aller courir, répondit-il d'une voix absente.
Elle hocha la tête. Il courrait souvent pour se vider l'esprit, et très souvent, il revenait les idées plus claires.
– Bois ton café avant quand même, s'il te plait. Je t'attendrais pour dîner.
Elle se leva et se dirigea vers sa chambre, fermant la porte silencieusement. Nahuël la suivit des yeux et passa une main nerveuse dans ses cheveux. Jamais il ne la remerciait, et pourtant cela faisait maintenant six mois qu'ils vivaient ensemble dans une collocation arrangée. Lily était une artiste dans l'âme. Elle peignait, beaucoup, énormément même, mais elle avait du mal à percer dans le milieu. Alors, elle aidait moralement Nahuël à ne pas s'enfoncer dans les ténèbres des Enfers ; en échange, il payait le loyer de leur appartement situé au nord de Nice, près de la Méditerranée.
Elle était originaire de la Côte d'Azur et avait fait découvrir à l'étranger qu'était à l'époque Nahuël les différents coins de la ville.
Lily, de son vrai nom Lily-Rose, avait eu une vie des plus classiques. Des parents artistes eux aussi ; une mère peintre comme elle et un père sculpteur. Elle avait été plongée dans l'art depuis sa naissance, et c'est tout naturellement que ses parents ne s'étaient jamais opposés à son cursus qui ne garantissait aucune certitude de débouchés.
Nahuël, lui, avait eu plus de mal. Ses parents lui avaient donné une éducation droite et alors que tout jeune, il nourrissait des rêves de danse, ils avaient formellement contrés le choix de leur fils, prévoyant pour lui un futur d'avocat. Mais, bien que strictement bien élevé, ce dernier s'était révélé rebelle et indépendant. Il s'était éloigné d'eux pendant quelques semaines et puis un matin, il était partit. Avec son baluchon sur l'épaule, dans les ruelles peuplées de Barcelone, il s'était perdu parmi la foule touristique. Il n'avait rien avec lui. Ni argent, ni maison, ni soutien. Juste un rêve.
Il voulait devenir danseur. Il serait danseur.

Sortant de ses souvenirs, il but en quelques rapides gorgées son café devenu tiède. Il jeta un coup d'œil vers la porte entrouverte de quelques centimètres de la chambre de sa colocataire. Bien que beaucoup de leurs amis aient souvent eu des doutes de ce qu'il y avait entre eux deux, il n'y avait jamais rien eu qu'une grande complicité et une amitié solide entre Lily et Nahuël. Lily avait vécu la même chose que lui, quelques années plus tôt, et c'est pour cela qu'elle parvenait à l'aider. Elle avait vingt-trois ans et lui en avait vingt-quatre. Et elle lui avait déjà avoué qu'il serait plus dur pour lui de passer au-delà, car il avait immensément plus mal réagi qu'elle à ça. Elle, n'avait pas sombré dans l'alcool et la drogue, ni dans les coups d'un soir que Nahuël continuait plusieurs fois par semaine de ramener chez eux, bien qu'elle veillait à ne pas sortir de sa chambre lorsqu'elle l'entendait revenir accompagné. Elle avait toujours tenté de le raisonner, mais il réagissait très souvent violemment. Comme à chaque fois qu'on lui parlait de sa santé morale ou physique. Ou de danse. Ou de Nina.
En fait, beaucoup de sujets le froissaient.
Ce n'était pas pour rien que son psychiatre l'avait qualifié « d'instable ».
Il se leva d'un seul coup, balaya une dernière fois leur appartement du regard, puis sortit dans la foulée. Sortir. S'aérer.
Il y avait des moments où, plus qu'envie, il en avait besoin.
Et c'était un besoin vital.

Han merci

Ҩ Oh mais ... Vos commentaires me touchent beaucoup beaucoup beaucoup ! Merciiiii Promis la suite bientôt (a)

Ҩ CHAPITRE DEUX

Il inspira à fond l'air du parc. C'était un des seuls endroits silencieux et où ne grouillaient pas encore les touristes venus en quête de soleil et de chaleur. C'est qu'il commençait à faire chaud. Le mois de Mai s'annonçait extrêmement chaud, mais l'Espagnol avait l'habitude de ces températures élevées dans lesquelles il avait grandi. Secouant la tête pour chasser quelques insectes, il passa une main plus sereine dans ses cheveux bruns. Courir permettait à ses pensées de se rassembler, de s'unir, pour écarter celles qui le déroutaient et l'égaraient. Comme une brebis retrouve son berger, c'était souvent ainsi qu'il remettait de l'ordre en lui-même. Ses foulées étaient régulières, son souffle calme.
Cela dura environ un quart d'heure. Plus encore s'il ne l'avait pas vue à ce moment-là. Elle était là, à portée de main. Quand il la vit, il se figea net. Cet arrêt brusque fit cogner son sang à ses tempes et il eut soudain l'impression que tous ses sens étaient faussés.
Nina.
Elle avançait vers lui de son pas souple et félin qui l'avait toujours caractérisée. Ses longs cheveux de jais voletaient sous l'effet d'un vent que Nahuël ne sentait même pas. Peut-être n'existait-il même pas, en fait. Et elle continuait d'avancer vers lui.
Sa raison lui criait qu'il ne devait pas se laisser influencer, que les médecins l'avaient prévenu, qu'il hallucinerait, qu'il la verrait alors qu'elle n'était pas là. Mais pour le coeur du danseur, les médecins s'étaient trompés. Elle était là. Elle ne pouvait pas être une hallucination, une simple création de son esprit. Elle paraissait bien trop réelle pour cela. Elle avait sur les lèvres ce sourire qui lui allait si bien, qui lui donnait cet air à la fois réservée et sauvage. Son regard chocolat brillait d'un éclat farouche. Elle était toujours aussi belle. Que s'était-il donc passé ? Avait-elle finalement survécu à l'accident ? Mais pourquoi s'était-elle cachée pendant ces longs et douloureux huit mois, lui faisant croire à sa mort ?
Elle est morte.
Cette pensée le frappa soudain de plein fouet. Ses sourcils se froncèrent. Mais si elle était morte... qui était la femme devant lui qui ressemblait à sa fiancée comme deux gouttes d'eau ? Une colère froide monta en lui.
– Qui êtes-vous ?
La jeune femme se figea sous le ton agressif, alors qu'elle n'était qu'à seulement quelques mètres de lui.
– Allons, Nahuël, c'est moi.
Sa voix. C'était la même, c'était sa voix bon sang !
Impossible.
Elle était morte, morte, morte.
– Nina ? osa-t-il pourtant demander.
Un sourire éclaira brièvement son visage tandis qu'elle se remettait à approcher. Paralysé, comme hypnotisé, le brun la fixait les yeux grands ouverts. Il avait l'impression qu'un pressoir broyait sa poitrine et l'empêchait de respirer correctement, comprimant ses poumons comme un étau se refermant petit à petit. Elle tendit la main vers lui et son cœur rata un battement. Quand elle effleura sa joue, il perdit connaissance.


Lily terminait de faire la vaisselle lorsque la porte s'ouvrit dans un fracas impressionnant. Elle sursauta si fort qu'elle manqua de laisser tomber l'assiette qu'elle tenait entre ses mains. Elle riva son regard vers la porte, mais il n'y avait déjà plus personne.
– Lorenzo ?
Elle demeura immobile pendant encore quelques secondes mais comme elle n'avait aucune réponse, elle posa l'assiette sur le plan de cuisine et fit quelques pas. Un raffut étonnant s'élevait de la salle de bain. Angoissée qu'il s'agisse d'un cambrioleur ou quelque chose dans le genre, elle se munit alors d'un long parapluie posé dans l'entrée. A pas prudents, elle avança vers la pièce en question, une boule se formant dans sa gorge. Celle-ci s'amplifia en voyant qu'il s'agissait bien de son colocataire.
Nahuël fouillait frénétiquement l'armoire à pharmacie, faisant tomber toutes sortes de flacons et de boîtes de médicaments. Un instant figée, Lily posa finalement son « arme » et fit un pas hésitant vers lui.
– Qu'est-ce qu'il se passe ? Qu'est-ce que tu fais là ?
Aucune réponse. Le brun s'escrimait toujours avec frénésie.
– Hé, réponds-moi.
Inquiète, la jeune femme s'avança plus encore et posa sa main sur le bras de son ami. Comme s'il avait été victime d'un électrochoc à ce contact, Nahuël se dégagea violemment en donnant un brusque coup, faisant reculer Lily de plusieurs pas jusqu'à-ce que son dos cogne contre la porte derrière-elle. Jamais encore il n'avait été si violent avec elle. Comme une bête effarouchée, elle le fixait droit dans les yeux. Il y avait dans ses prunelles cette dure et malicieuse lueur qu'elle craignait aussi fort qu'elle l'avait rarement vue en huit mois. L'éclat de la folie.
Elle avala sa salive avec nervosité. Quelques gouttes de sueur parlaient à son front. Elle fit un effort pour parler. Une dernière fois.
– Dis-moi... ce qu'il s'est.. passé, Nahuël.
– Je l'ai vue.
La réponse fusa dans la demi-seconde qui suivit, comme s'il n'attendait qu'un dernier encouragement de sa part pour se lancer. Soudain, tout ce qui était agressif en lui disparu et sembla s'envoler, lui ôtant toutes ses forces. Lily vit clairement ses jambes se mettre à trembler et juste au moment où elle se résolu à franchir la distance qui les séparait, il s'écroula dans ses bras.

Ainsi recroquevillé sur le canapé, il avait l'air d'un enfant. Ce même gosse qui avait fugué de chez lui à la poursuite d'un rêve. Mais son regard fantomatique, bloqué dans le vide sur un détail que seul lui devait voir, laisser entendre qu'il avait subi un choc. Plus qu'un choc physique, celui-ci était émotionnel. Lily revint avec une tisane chaude dans les mains. Le brun grelottait, malgré le fait que le printemps touchait à sa fin et que l'air était lourd et sec. Elle posa la tasse sur la table devant lui et s'assit à ses côtés. Il ne la voyait pas. Il ne l'entendait pas. Pour lui, elle n'était pas là. Elle savait ce qu'il se passait. Elle savait les engrenages qui tournaient à plein régime dans sa tête. Elle était aussi passée par là.
Fut un temps où elle le voyait tous les jours. Elle s'était même accoutumée à la présence de cette hallucination qui lui faisait voir son petit-ami. Partout. Chez elle, dans la rue, dans un magasin, dans un taxi. Il était toujours avec elle. A force de l'entendre parler toute seule, ses amis s'étaient inquiétés et lui avaient fait voir un psychiatre. Ce qu'ils ne comprennent pas, dans ces cas-là, c'est que l'aide de n'importe qui est inutile.
Une heure et demie.
C'est le temps pendant lequel Nahuël resta plongé dans sa torpeur glaciale. Et il s'éveilla, soudain. Il posa ses grands yeux bleus sur elle comme si elle venait d'arriver.
– Je l'ai vue, répéta-t-il d'une voix morne et rouillée.
– Je sais.
Il garda le silence longtemps et se redressa. Il prit une gorgée de la tisane et grimaça. Elle était froide.
– Je suis désolé.
– Je sais.
La jolie brune semblait s'être renfermée sur elle-même. Elle le regardait à peine, ayant toujours à l'esprit la façon dont il l'avait rejetée peu avant. C'était pour ça qu'il s'excusait. Il s'en souvenait, bien sûr, ce n'était pas une crise de schizophrénie, voyons. Et quand bien même Nahuël aurait été schizophrène, elle l'aurait accepté.
– Tu sais quoi ? Tu as raison.
Elle se leva brusquement. Surpris, le brunet posa sur elle un regard interrogateur.
– Raison ?
– Parfaitement.
– Raison sur quoi ?
Il avait froncé les sourcils. Lily s'activait déjà. Elle avait posé deux grands sacs de voyage sur la table du salon.
On va partir.
La nouvelle le déboussola tant et si bien qu'il en resta de marbre pendant de longues secondes. Puis alors, il se leva. Il tangua un peu, comme s'il n'avait plus marché depuis des mois, mais se reprit.
– Lily, qu'est-ce que tu racontes ?
– Cela fait assez longtemps que ça dure, il faut régler ça.
– Mais régler quoi ?
– Régler ton cas !
Il déglutit.
– Mon cas ? répéta-t-il avec une voix teintée par l'ironie.
– Il lâcha un ricanement moqueur.
– Mon cas est perdu d'avance, et tu le sais.
– Faux. Sinon, je t'aurais jamais proposé mon aide.
– La preuve est là ; tu l'as fait quand même.
– Bon écoute-moi bien, Lorenzo Nahuël Joaquìn.
L'entendre l'appeler par ses deux prénoms ainsi que son nom de famille lui fit faire une grimace. Cela lui rappelait bien trop les médias. Il se tourna vers elle et constata qu'elle avait vraiment l'air furieuse.
Rectification, elle était terriblement en colère contre lui.
– Tu vas la fermer, prendre des affaires – sinon je m'en charge moi-même – et boucler ta valise. On décolle dans deux heures.
– Tu as complètement perdu la tête, il faut que je reste, que je cherche pourquoi est-ce que j'ai eu cette...
– Quoi ? Que tu cherches la raison de ton hallucination ? Tu te fous de ma gueule là ou quoi ? On ne cherche pas des réponses comme ça quand on est dans ton cas, Nahuël ! siffla-t-elle, réellement emportée, en faisant un pas presque menaçant vers lui. Moi j'ai cherché, quand ça m'est arrivée. Et crois-moi, ce que tu trouves au bout n'a rien d'exaltant.
– Qu'as-tu trouvé ?
Elle le fusilla du regard. Il ne l'avait jamais vue dans un état pareil.
– Que j'étais folle.
Les mots semblèrent presque grincer dans l'air, comme une vieille porte mal huilée. Nahuël ne trouva rien à répondre à ça et préféra, une fois n'est pas coutume, de laisser sa langue dans sa poche.
– Allez, s'il te plait.
Son ton s'était radouci. La tempête était passée.
Il acquiesça lentement de la tête.
– Tu as raison, ça me fera du bien. Je peux savoir où on va, juste ?
– Chez toi.
– Je ne comprends pas. J'habite ici, enfin...
– Dans ton pays, je veux dire. C'est de là que vient ton traumatisme.
– L'accident a eu lieu à Londres, marmonna-t-il les dents serrées.
– Exact, confirma-t-elle. Pourtant, c'est à Barcelone que tout a commencé. Tu es originaire de là-bas, et elle l'était aussi. Tu as fais tes premiers pas en danse sur ces scènes poussiéreuses, dans les ruelles espagnoles. Et c'est là que nous allons.

May Thompson a écrit:

MAMAMIA!
Manon, tu es une écrivaine-née toi!
J'ai hâte que t'écrives la suite
Et faut-il le dire? :) J'adore

Merci beaucoup